Conthey.
Nous voici sur les bords de la Marge, qui descend d’une gorge profonde pour aller
se jeter dans le Rhône. C’était là la limite du Yallais savoyard et du Yallais épiscopat.
Bien des fois, cette rivière torrentueuse vit se réunir ici, sur sa rive, en plein champ,
les Comtes de Savoie, escortés de leurs barons, et les Evêques de Sion, suivis de
leurs vassaux, pour y signer des traités et des accords, au milieu de leurs fréquents
démêlés. -
Sur .une pente s’élève Gonlhey (Contegium), qualifié dès le XI* siècle d"oppidum
et de castm m ; ce bourg avait, en etiét, ses rem parts, avec deux cliàteaux-forls
importants, et plusieurs maisons féodales, ou tours, et les Comtes de Savoie, qui en
avaient fait leur boulevard principal contre le Yallais, lui avaient accordé, en 1302, des
libertés et franchises, avec foires et marchés '. Un acte de 1364 nous apprend que les
1 Cremanti. I h e u m tom. Ill, p. 36.
hommes de la communauté de Vétroz et ceux de la majorie de Daillon (à Conthey)
devaient le guet et l’escarguet au bourg de Conthey, mais seulement en temps de
guerre. Le châtelain ayant voulu les y obliger en temps de paix, ils recoururent au
Comte, qui fit droit à leur requête. Dans la même réponse, le prince déclare que toute
personne qui, en temps de guerre, se réfugie avec ses biens au château de Conthey,
doit contribuer aux fortifications et réparations du dit lieu.
I. Le prem ier des châteaux de Conthey, celui des Comtes, dont parle l’acte précédent,
était situé au sommet et au levant du bourg, du côté de Sinsine ; il est déjà cité
en 1294, avec sa chapelle desservie par un recteur. Un titre de 1448 mentionne tout
à côté une tour avec maison, que le Duc avait achetée de noble Jean d’Arbignon, et
qui, comme le château, était renfermée dans l’enceinte des remparts et fossés de la
ville. Tout à côté était également la tour que Nicolette de Meyrans venait de porter à
noble Perronet Cavelli d ’Aigle, qui fut la tige des nobles Cavelli de Conthey l. Ce
château est tombé, par suite de la guerre de 1475 entre la Savoie et le Vallais-rfOr, ce
fut à Conthey que commença cette guerre si funeste à la maison de Savoie, qui y
perdit pour toujours le Bas-Vallais. Des démêlés sans cesse renaissants entre les
Contheysans et les hommes de Savièse, au sujet de leurs alpages, am enèrent à
Conthey le Régent de Savoie, Jean Louis, évêque de Genève, suivi d’une armée.
Assiégé par les Vallaisans, il fut délivré par Pierre de Gingins, sire du Chàtelard, et
se jeta à son tour sur Sion avec 8,000 hommes. Les Vallaisans, secourus à temps par.
3,000 Bernois et Soleurois, l’attaquèrent à la Planta, sous les murs de la ville, et le
battirent complètement. Beaucoup de gentilshommes savoyards y périrent, entre
autres les jeunes d’Entremont et de Choutagne, Jean de Duyn, Louis de Thorens,
Henri de Monthéolo, etc... (13 nov. 1475). Les vainqueurs enlevèrent ensuite Nendaz,
Vétroz, Ardon et tout le pays jusqu’à St-Mauriee, brûlant tous les châteaux sur leur
passage, ainsi que les vidages qui ne se rachetaient pas à prix d’argent. Peu après,
Conthey tomba à son tour en leur pouvoir et son château n’offrit bientôt que des
ruines.
II. On voyait en second lieu, à Conthey, le château des Vidomnes, situé au nordouest
du bourg « à parte Luyseti », à côté de la chapelle de sainte Pétronille; laquelle
survécut au château, puisqu’elle existait encore au XV0 siècle. Le vidomnat était à
l’origine tenu en fief par les nobles De Conthey, connus depuis Humbert de Conthey, qui figure en 1179 parmi les barons du Comte de Savoie... En 1227, le vidomne
Rodolphe, de la même famille, est tout à la fois homme-lige du Comte et de l’Evêque
de Sion pour ses divers fiefs ; en cas de guerre, il doit « servir le Comte de sa personne
» et donner à l’évêque « un chevalier avec deux hommes armés et à cheval. »
S’il a deux fils, l’un sera l’homme du Comte, l’autre celui de l’évêque 1 ». En 1294,
le vidomnat avait passé aux De La Tour de Châtillon, bien que les nobles de Conthey
ne fussent pas éteints. Les De La Tour, qui ont signé plusieurs actes en ce château,
l’ont possédé jusqu’en 1375, où le trop fameux Antoine De La Tour, coupable du
m eurtre de l’évêque Tavelli, vendit (8 août) vidomnat et château au Comte de Savoie.
Mais les Vallaisans, soulevés contre lui, rasèrent le château, l’année suivante, n’épargnant
que sa chapelle. Le vidomnat prit fin alors et ses attributions furent dévolues à
un châtelain.
III. C’est sur l’emplacement de ce château ruiné, près de la porte dite du })elit
Lac, qu’en 1578 l’Etat du Vallais fit reconstruire, aux frais des communes de Conlhev
et de Nendaz, une nouvelle maison-forte contenant au rez-de-chaussée trois prisons et
au prem ier une salle de torture surmontée d’une tourelle ; au-dessus était un auditoire
de justice. Ce fut la Maison commune et sur la porte furent gravées les armes de la
Communauté. En ce temps-là, Conthey et Vétroz payaient à l’Etat, à titre de redevances
féodales, un total de 487 florins (environ 7C9 fr.), somme dans laquelle
figuraient 13 livres de poivre, 1 livre de cumin, 9 livres de cire, 11 se tiers et 2 copts
de vin.
IV. On trouvait encore à Conthey, dans le bourg, la tour des nobles de Gervent,
cités depuis Simon de Cervent, fils de Jean de Gervent et de Perronette de Pressy, et
bourgeois de Conthey, en 1396, jusqu’à Pierre et Jean de Cervent, cités en 1596.
Noble Simon de Cervent s’était établi à Conthey comme héritier de noble Aimon
d’Erdes, qui est le dernier connu de la famille de ce nom. Erdes, village de Conthey,
avait, en effet, donné son nom à une famille noble qui tint toujours un des premiers
rangs parmi les bourgeois de Conthey. — Un membre de cette famille, Pierre d’Erdes,
chanoine de Sion, fit construire un autel dans l’église de Conthey, dont il fut curé," et,
en 1287, il léguait par testament 10 liv. maur. (480 fr.), pour envoyer un sergent
d’armes à la croisade, lors du passage général, et 20 autres livres, laissées par son
père pour l’envoi de deux clientsa. — Citons encore à Conthey Daillon qui avait ses majors. Le lief de celle majorie était tenu en fief plein des De La Tour, et en arrièrefief
des Comtes de Savoie
Les souvenirs ne manquent point à Conthey, on le voit ; mais ce ne sont plus
que des souvenirs, dont l’aspect présent des lieux ne donne guère l’idée.
1 Cremane). Docw ni., tom. I, p. ‘200.
- Cremami. D o ciim ., tom. II, j j . 309.
* Cette branche des Camelli s’est fondue dans les D e B e rlh e rin is, de Conthey, vers la fin du
XV" siècle. Les nobles Cavelli, qui ont fait trois branches, celle de St-M auriee, celle de Conthey, et celle
d’O rsières, étaient originaires d’Ollon (Vaud).
Château des comte des Savoie - Conthey
.